SBEA

LES 3 R ET AU-DELÀ

Le welfarisme

Après avoir gradué les souffrances subies par les animaux en expérimentation dans les laboratoires anglais, W.M.S. Russell et R.L. Burch ont développé un programme de mise en place et de développement de lignes directrices dites « humaines » , appelé la « règle des 3 R ».

Élaborée en 1959, elle constitue le fondement de la démarche éthique appliquée à l’expérimentation animale en Europe et en Amérique du Nord. En cela elle fixe les 3 points cruciaux que tout scientifique travaillant avec des animaux doit appliquer.

Remplacer

si possible le modèle animal vertébré par une approche alternative soit des espèces moins sensibles soit des modèles non vivants (exemple : expériences in vitro ou modèles mathématiques…).

Réduire

le nombre d’animaux utilisés tout en gardant un effectif optimal pour la validation scientifique de l’expérimentation (exemple : analyse statistique préalable du nombre de sujets nécessaires ou utilisation de techniques de pointe comme l’imagerie médicale permettant un suivi longitudinal du même animal…).

Raffiner 

la méthodologie, c’est-à-dire à mettre en œuvre des techniques réduisant la souffrance animale en respectant au mieux son bien-être (exemple : utilisation de méthodes non invasives, choix de modèles de pathologies spontanées plutôt qu’induites, utilisation de médicaments antalgiques, analgésiques ou anesthésiques, adaptation de l’environnement des animaux (enrichissement), habituations aux conditions de la procédure expérimentale…).

Ce concept a été progressivement adopté par diverses institutions pour fixer des lignes de conduite pour l’expérimentation animale : le Conseil Canadien de Protection des Animaux, le Département américain chargé de l’agriculture (Animal Welfare Act), et le gouvernement britannique (Home Office) par exemple. Le dialogue qui va naitre entre les comités d’éthique et les chercheurs va permettre par la suite la valorisation de ces 3 principes puisqu’ils seront la ligne de conduite de la Directive Européenne de 2010 concernant l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques. Ces démarches législatives s’inscrivent dans un mouvement « welfariste ».  

Le mot « welfarisme » est dérivé de l’anglais « welfare » qui signifie bien-être. Les welfaristes soutiennent une amélioration des conditions d’utilisation des animaux, sans toutefois remettre en question cette utilisation. La quasi-totalité des penseurs de l’éthique animale souhaitent le progrès du bien-être (ou la réduction du mal-être) des animaux, mais tous ne se revendiquent pas welfaristes. Il existe par exemple des « abolitionnistes » regroupés dans des associations qui militent pour l’abolition totale de l’utilisation des animaux que ce soit dans le domaine de la recherche biomédicale mais aussi dans d’autres domaines comme l’élevage pour la viande ou la fourrure.

Pour aller plus loin

Les 5 R

D’un point de vue éthique, l’étape suivante pourrait être l’intégration à la réglementation d’un 4ème R :la Responsabilité.

On parle ici de la responsabilité, non pas au sens juridique ou pénal, mais au sens de la responsabilité morale.

Il s’agit de mettre en avant la responsabilité qui repose sur tous les acteurs de la recherche animale. C’est à eux d’appliquer les principes éthiques afin de réaliser une recherche de qualité tout en préservant au mieux les animaux.

Le 5ème R qui pourrait être envisagé est celui du Replacement et de la réhabilitation. En effet la réglementation prévoit la possibilité de placer ou de remettre les animaux en liberté dans un habitat approprié adapté à l’espèce, des animaux qui ont été utilisés dans des procédures expérimentales.

Les 6 R

Depuis les 3R de Russel et Burch des chercheurs et philosophes semblent trouver une voie d’amélioration des 3R. Par exemple les chercheurs Daniel Strech et Ulrich Dirnagl ont repensé les 3R en y ajoutant trois « R » supplémentaires associés à la valeur scientifique de l’expérimentation animale que sont, la robustesse (Robustness), l’enregistrement (Registration) et la présentation des données (Reporting). Le premier implique que les études utilisant des animaux soient robustes (fiables) ; le deuxième signifie que toutes les études avec expérimentation animale devraient être inscrites dans une base de données accessible au public avant leur commencement ; le troisième fait référence à la manière de rendre compte de tous les résultats, y compris ceux qui sont nuls ou négatifs. Ces trois principes sont déjà recommandés pour la recherche sur les êtres humains.

Les 3 S

A l’instar des 3R, l’Expertise Collective INRA « douleurs animales » a proposé une démarche pratique pour la gestion de la douleur animale, les « 3S », basée sur la Suppression des sources de douleurs chaque fois que cela est possible, en remettant en cause les pratiques, la Substitution d’une pratique douloureuse par une autre qui l’est moins, le Soulagement des douleurs inévitables par l’analgésie et le soin.

Ces réflexions prouvent que le principe des 3R est bon mais qu’il n’est peut-être pas idéal. Il a le mérite d’exister et de faire consensus au niveau international, mais il n’est pas interdit d’imaginer qu’il pourrait être amélioré pour une recherche encore plus sûre et plus éthique.